Dijon-Longvic : La BA 102 fait ses adieux au Mirage…

L’armée de l’air tourne aujourd’hui une page de son histoire à Dijon. A la base aérienne 102, où fut reçu le premier drapeau de l’aéronautique militaire française en 1916, l’escadron 01.002 Cigognes a effectué son vol d’adieu jeudi 12 mai 2011… Un départ historique quand l’on sait que le groupe de chasse dijonnais détenait la maîtrise exclusive du Mirage, choisi en 1975 pour être le principal avion de l’armée de l’air française. A l’heure où les cinquante ans de « l’aile delta » étaient fêtés à la BA 102 par une cérémonie militaire et un meeting aérien, pilotes et généraux, les yeux au ciel, ne cachaient pas leur nostalgie…

Une histoire d’hommes…

16h30, jeudi 12 mai 2011, sur la base aérienne 102 de Dijon-Longvic. Avions de chasse F-16, F-18 et patrouille Breitling ont terminé leur show aérien : le ciel est aux Mirage 2000. Et déjà, en quelques secondes, l’image ne sera plus qu’un songe… Les quatre avions de chasse ont filé vers d’autres cieux. Suisses, pour l’heure. Une ombre de nostalgie planant sur l’anniversaire des cinquante ans de l’aile delta. « Vous savez bien que dans les armées, nous sommes très attachés à notre tradition, c’est ce qui fait notre force et crée l’esprit de corps. Il est donc important d’avoir ces moments de recueillement, ces moments où l’on se souvient de nos anciens, qui nous ont transmis les valeurs auxquelles nous adhérons tous et nous permettent de remplir notre mission au quotidien », relève le général Jean-Marc Vigilant, commandant de la BA 102.

Ces « anciens » ont fait l’histoire de la base aérienne de Dijon-Longvic. Le sous-lieutenant Guynemer pour commencer, qui y a reçu le premier drapeau de l’aéronautique militaire française le 13 mai 1916… Puis vinrent 1514 pilotes Français et 216 étrangers, au fil d’une histoire rythmée également par les aventures des « Chevaliers du ciel », Tanguy et Laverdure, ou encore Caroline Aigle, première femme brevetée pilote de chasse, qui a volé sur Mirage 2000-5 de 1999 à 2006.

Surtout, ce groupe de chasse autonome portera à jamais la marque de l’histoire, floqué de ses cigognes si caractéristiques… Mais d’où viennent-elles, ces cigognes blanches peintes sur le fuselage des Mirage dijonnais ? En juin 1912, l’état-major général de l’armée décide de former les premières escadrilles de l’aéronautique militaire française. L’une d’elles part alors pour l’Alsace et ses avions seront comparés aux « cigognes annonciatrices du printemps ». En 1916, alors que la Première guerre mondiale fait rage, les escadrilles se multiplient et s’organisent en groupes de combat. Pour des raisons d’ordre et de discipline, l’état major demande aux groupes de choisir un insigne par escadrille et de le peindre, de façon très visible, sur le fuselage de chaque appareil. Plusieurs projets sont proposés pour le groupe n°12 – nombreux sont favorables au coq – mais le commandant préféra finalement la « cigogne » à laquelle l’escadrille avait été comparée en 1912 : « nom symbolique évoquant, avec les grands oiseaux migrateurs, les foyers d’Alsace pour lesquels luttaient et mouraient les jeunes hommes de France », précise la BA 102. « L’histoire de la BA 102 a marqué l’histoire de l’armée de l’air », résume Arnaud P., pilote, qui a tenu à garder l’anonymat en raison de sa participation imminente à une opération. Et de préciser : « Elle est le berceau de l’aviation, un endroit historique puisque les premiers avions à réaction sont arrivés à Dijon. Elle est aussi le lieu où beaucoup de pilotes ont appris à piloter. Sa valeur symbolique est très forte ».

… et de machines

D’un point de vue technologique, la BA 102 est restée – jusqu’à l’invention des Rafale – à la pointe de l’aéronautique française. « Ce sont toujours des avions de nouvelle génération qui ont été basés ici à Dijon, en avant-première », note le général de corps aérien Joël Martel, major général de l’armée de l’air. Le déroulé historique des machines ayant décollé de Dijon-Longvic ne fait que confirmer ces propos. En 1949, la formation aérienne de Guynemer met en service la première unité opérationnelle française sur avion à réaction avec le Vampire FB5, ouvrant ainsi l’ère de l’aviation de chasse à réaction.

A nouveau, en 1961, la notoriété de la deuxième escadre lui permet d’être la première unité de chasse française à être équipée du dernier-né des usines Dassault : le Mirage IIIC. Ce chasseur à la voilure delta caractéristique, propulsé par un réacteur lui permettant de voler à Mach 2 et d’atteindre la stratosphère, était alors la crème des avions militaires européens… Choisi le 18 décembre 1975 pour être le principal avion de combat de l’armée de l’air, le Mirage 2000, qui n’avait en commun avec les Mirage précédents que sa forme aérodynamique caractérisée par la célèbre aile delta, arrive à Dijon le 9 juillet 1984… Il est le premier avion européen à bénéficier de commandes de vol électriques. Au fil des ans, l’escadron 01.002 Cigognes sera considéré comme « l’académie du Mirage »…

Au quotidien, les Mirage 2000-5 sont chargés d’assurer la « police du ciel », c’est-à-dire porter assistance à un appareil en détresse ou intervenir face à un appareil en infraction dans l’espace aérien français. A l’international, ce groupe de chasse doté de 23 Mirage a pour principale mission d’imposer la supériorité aérienne de la France et de ses alliés. Il s’agit ici de s’opposer à tout avion hostile ou ennemi qui voudrait utiliser un espace aérien interdit. Depuis le 19 mars 2011 par exemple, les Mirage dijonnais participent à l’opération Harmattan en Libye, visant à établir une zone d’exclusion dans l’espace aérien libyen (Lire ici notre article sur le sujet)…

La BA 102 bientôt privée de Mirage

Les cinquante ans de l’aile delta à Dijon signent donc également son départ vers la base aérienne 116 de Luxeuil-saint-Sauveur, en Haute-Saône… « L’armée de l’air, d’une manière générale, ne peut pas être absente du mouvement de réforme de l’Etat. C’est pour cela que le dispositif des bases aériennes est appelé à évoluer et aucune base ne peut échapper à ce mouvement », souligne le général d’armée Joël Martel. Et d’ajouter : « Le départ des Cigognes fait partie de la rationalisation de notre dispositif d’avions de chasse, qui a été décidée en son temps et au plus haut niveau politique ».

Et demain, que va devenir la BA 102 ? « Sa vocation aéronautique va légèrement diminuer avec le départ du groupe de chasse 01.002 Cigognes. Néanmoins, il restera une activité aérienne militaire avec l’escadron de chasse 02.002 Côte-d’Or, équipé d’une quinzaine d’Alpha Jet. Enfin, après le départ de 250 personnes au mois d’août 2011 – 200 mécaniciens et une cinquantaine de pilotes -, 300 officiers arriveront à l’été 2012 pour assurer le commandement des forces aériennes depuis Dijon », explique le général Jean-Marc Vigilant. Cet état-major, en provenance de Metz, est aujourd’hui chapeauté par le général de corps aérien Haendel et « prépare tout le personnel qui concourt aux missions opérationnelles de l’armée de l’air : aussi bien les pilotes de chasse, les pilotes de transport, les fusilliers-commando, les contrôleurs aériens que les personnes qui travaillent dans le domaine de la sécurité-protection », note Jean-Marc Vigilant.

Pour autant, il n’est pas certain que cette mutation console les pilotes… « J’ai ici des souvenirs inoubliables de vol avec mes collègues et amis, au-dessus de cette région formidable. Bien sûr, nous sommes habitués à bouger souvent  au gré des mutations. Quitter une base pour en rejoindre une autre, on a l’habitude ! En revanche, fermer une base ou un escadron sur une base est plus difficile humainement, de part l’histoire qui transpire ici à Dijon », note Arnaud P. Et de conclure : « C’est une page qui se tourne, oui. Le départ des Mirage de Dijon va laisser un grand vide ».

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