Dijon : Confessions d’une actrice classée X…

Elle a tourné dans deux films X et jure qu’on ne l’y reprendra plus… Chloë*, 28 ans, vit et travaille aujourd’hui à Dijon. A l’occasion du lancement de la série télévisée « Xanadu » par Arte, consacrée à une grande famille de l’industrie du X, elle évoque pour dijOnscOpe son parcours en coulisses, ses déceptions et la bêtise des réactions suscitées par l’étiquette « d’actrice porno »…

Chloë, bonjour. Comment en êtes-vous venue au monde du X ?

« Par un concours de circonstances. Je ne suis jamais dit : « Tiens, je veux faire ça plus tard ! »… Tout a commencé par des séances photos simples, puis des clichés plus glamour, dénudée, et enfin des nus. Un été où je passais mes vacances dans le Sud avec des amis, nous avons rencontré le patron d’un mensuel libertin, Interconnexion, qui m’a proposé de participer à leur élection annuelle, Miss connexion, dont la gagnante représente le magazine pour l’année suivante. Je suis arrivée deuxième.

Un ami à moi se trouvait dans le jury comme acteur X : il est venu me voir car il tournait à ce moment-là Destination Cap d’Agde, un film-reportage dont le but était surtout de montrer des gens libertins, plus que de travailler à fond la mise en scène… Comme il savait que je n’étais pas du tout du milieu, qu’il fallait que je sois rassurée, il m’a proposé d’être sa partenaire dans le film. Donc j’ai réfléchi un peu, sachant que je le connaissais, que c’était l’été et que nous étions plus « libérés », que j’avais fait des photos avant… Finalement j’ai accepté. Je dirais que le film Destination Cap d’Agde est arrivé par hasard et, pour moi, comme les soirées imprévues, c’est toujours ce qui est le plus réussi.

Puis ce film a mené à un autre…

A l’origine, ce film était seulement une expérience parmi tant d’autres. Par la suite, le directeur du magazine Interconnexion m’a proposé un contrat en tant que présentatrice de sa chaîne libertine, ce que j’ai fait pendant trois ans à côté de mon travail. J’allais dans tous les clubs de France interviewer des stars… Là encore, j’ai pu découvrir des endroits totalement nouveaux et particuliers mais je ne voulais pas spécialement faire d’autre film. Je ne souhaitais pas en faire une carrière ni qu’on me voit comme une actrice X. J’avais donc toujours dit non aux propositions, surtout amateurs, car j’avais besoin de garder une image qui me correspondait.

Toutefois, au bout de deux années, mon patron – qui est devenu un ami – s’est mis d’accord avec Marc Dorcel (ndlr : réalisateur et producteur français de films X) pour faire un Story of…, c’est-à-dire un film centré sur une personne, qui raconte son parcours dans le X. J’ai accepté parce que c’était un Dorcel, le top du X français. J’ai imposé mes conditions à savoir que j’ai déterminé le nombre de jours de tournage et, surtout, j’ai voulu être toujours accompagnée sur le plateau. Sur ces bases, j’ai accepté.

Avec Marc Dorcel, vous avez souhaité imposer vos conditions. Quelles facettes de l’industrie du porno justifiaient cette prudence ?

C’est en tournant le Dorcel que j’ai vu ce qui ne me plaisait pas. Etre une actrice X est un métier, qui n’est pas le mien. C’est-à-dire que les filles doivent accepter beaucoup de choses que je n’accepte pas : nous sommes considérées comme des pantins que l’on pose là, qu’on maquille, qu’on coiffe, qu’on habille… On arrive à 9h du matin pour tourner finalement à 17h, on attend… Une actrice X est comme une poupée. Ça ne me va pas du tout. Il y a toujours une maquilleuse pour dégainer un pinceau de sa ceinture, qui te saute dessus. Tu embrasses quelqu’un et hop ! Elle te remaquille… Il n’y a rien de naturel ! Donc en faisant le film, j’ai su que ce premier Dorcel serait le dernier.

Mais je ne suis jamais contre une expérience : pour pouvoir dire que l’on ne veut pas, il faut essayer. Comme dans la vie, on ne dit pas « j’aime pas » sans goûter. Pour les hommes ? C’est un peu différent car c’est mécanique et souvent ils prennent quelque chose pour que ça marche… Le côté esthétique n’est pas non plus aussi appuyé qu’une femme. Aujourd’hui au moins, quand je regarde un film, je sais comment il est fait ! Pour moi c’est un plus. Mais je ne voulais pas continuer dans cette univers où tout est artificiel.

N’y-a-t-il donc aucune place pour le plaisir dans un film X ?

Non, c’est du commerce. Le sexe marchera toujours, c’est ce qui fait tourner le monde. Le fait de mettre en scène le sexe donne de l’excitation mais je ne suis pas sûre que les gens croient vraiment au plaisir. Parfois c’est un peu trop quand même, ça se voit. Et je pense surtout que les personnes qui regardent ce genre de films ne cherchent pas à savoir si l’homme est un prince charmant, s’ils sont amoureux… C’est l’acte sexuel qui fait que ça excite. Le corps d’une belle femme, la mise en scène… Pour répondre à votre question, je dirais qu’un film X est avant tout de l’excitation, plus que du plaisir. Je ne crois pas les filles qui disent qu’elle en prennent : on nous demande de simuler comme des comédiens.

Après, un film X peut être autre chose que du pur sexe. Chez Dorcel, par exemple, je trouve qu’il y a quand même une histoire. Dans les Story of… notamment, le but est vraiment de mettre le spectateur dans l’ambiance que veut créer la personne située au centre du film. Moi, en l’occurrence, je jouais quelqu’un qui ne connaissais rien, qui arrive dans un château et petit-à-petit enchaîne les découvertes… Les Dorcel ont leur propre style, leurs décors, leurs maquilleuses, leurs lieux – souvent des châteaux… C’est assez classe, ils recherchent beaucoup de luxe, mais toujours avec une histoire. Donc oui, il peut y avoir autre chose que du pur sexe dans le monde du X. Je pense d’ailleurs que les producteurs sont obligés de se démarquer aujourd’hui, avec toute l’industrie porno qui développe des films bateau, sans histoires, sans mise en scène…

Comment vit-on au quotidien l’étiquette « d’actrice porno », notamment dans une petite ville comme Dijon ?

Les conséquences du film m’ont totalement échapées. La façon dont il a été connu, vu… Je ne pensais pas qu’il prendrait cette ampleur. Si c’était à refaire, je prendrais sûrement plus de précautions après. Car mon but n’est pas de me faire connaître ! Mais vous savez, quand on tourne, on se dit : « De toute façon, qui va l’acheter ? ». En fait, on m’a expliqué que plus tu es rare, plus ton film est demandé. Et c’est ce qui s’est passé. D’abord parce que les gens me connaissaient en tant que présentatrice de la chaîne libertine et ensuite, sur Dijon, cela s’est très vite diffusé. C’est cela qui m’a échappé. Que le film soit vu dans le milieu X, peu m’importe, mais par ceux qui n’ont rien à voir là-dedans, j’ai été totalement dépassé et cela m’a porté préjudice.

De mon côté, j’ai toujours assumé cette expérience mais ce sont les personnes qui m’entourent qui n’assument pas ce que je suis. Elles n’arrivent pas à se positionner et se permettent de dire des choses sur moi alors que je le vis très bien. J’assume tout, et ça dérange. Parce que c’est tabou, peut-être aussi par jalousie de ne l’avoir pas fait… Les filles, tout de suite, ont peur que je leur saute dessus. Et parfois, certains hommes ont également peur sexuellement parce qu’ils pensent que je sais tout faire… Alors que non ! Dans un film on reçoit des ordres !

A ce sujet, je tiens surtout à préserver ma famille, qui ne le sait pas. Cela fait partie de ma vie privée, de mon équilibre personnel… Il faut donc faire attention à ce que ça ne soit pas plus diffusé que ça ne l’est – et c’est déjà trop pour moi.

Justement, quels préjugés sur les actrices et l’univers du X vous semblent injustifiés, vu des coulisses ?

Le fait d’avoir été actrice X m’a effectivement permis de voir que les acteurs étaient de vrais gens, avec de vrais problèmes et des raisons de faire ça… Après, je dirais qu’il y a beaucoup de curiosité autour de l’industrie du porno et qu’elle pousse à dire plein de choses, à se faire des idées… En ce qui me concerne, la curiosité peut aussi emmener beaucoup de jalousie. Quand on parle de moi, les gens qui n’apprécient pas vont dire : « De toute façon, c’est une actrice X… ». Est-ce que ça veut dire que je suis une fille facile ? Que je n’ai rien dans le cerveau ? Que je ne sais rien faire d’autre ? Je me défends toujours en répondant que je fais un autre travail, qui n’a rien à voir, avec un diplôme à Bac + 5. Il est là le préjugé : une actrice X, aux yeux de la majeure partie des gens, n’est rien d’autre qu’un pantin.

Vous dites que dans l’industrie de la pornographie, « les filles ne durent qu’un an »… N’y a-t-il pas de vie après le X ?

Oui, beaucoup se lancent dans le X car elles n’ont pas le choix, c’est leur gagne-pain et elles n’ont pas d’autre issue. Au début, le succès arrive tout de suite car elles sont nouvelles, font beaucoup de films… Mais à la fin, à force de voir tout le temps les mêmes, les gens se lassent et rebondissent sur d’autres nouvelles, qui commencent de plus en plus jeunes, sont étrangères… Ce sont des choses que j’ai pu remarquer en faisant des salons érotiques par la suite : on se voit, on connait les actualités, on sait qui tourne, qui ne tourne pas. J’ai une amie qui a commencé en même temps que moi et qui a continué : je me suis félicitée d’avoir arrêté car sa vie personnelle en a pâti. Elle partait tous les week-ends pendant un an, sa célébrité a grimpé en flèche et la retombée a été d’autant plus difficile.

La plupart des filles essaient de continuer tant bien que mal, font des salons, une marque de lingerie… Mais si elles n’ont pas de métier avant elles peinent à se reconvertir. De nos jours, il faut se former, faire des études, et elles n’en n’ont souvent ni les moyens ni l’envie. Car il est facile de rester dans le milieu en faisant des photos, des films amateurs, en trouvant un producteur pour partir à l’étranger… Personnellement je ne connais pas de fille qui ait trouvé un autre travail à côté. La vie, après le X, donne surtout des jeunes un peu paumés ».

*Par souci d’anonymat, l’identité a été modifiée.

 

 

3 réflexions sur “Dijon : Confessions d’une actrice classée X…

  1. Intéressant, merci. Concernant les biographies (et autobiographies) sur ce sujet, l’éditeur Camion Noir a publié quelques pépites : l’autobio de Monica Mayhem et la double biographie de Jenna Jameson et Traci Lords (par Daniel Lesueur).
    Le blog du Tigre en a parlé d’ailleurs 🙂

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