Fraudes au RSA ou à la carte Vitale, arnaques aux allocations familiales, arrêts de travail abusifs… Chaque année, la note coûterait près de 3 milliards d’euros à l’État, d’après un rapport de la Cour des comptes datant de septembre 2010. Lors du Forum « Libération » organisé à Rennes le 15 avril 2011, Xavier Bertrand, ministre du Travail, insistait sur la nécessité de développer les pénalités administratives et financières à l’encontre des fraudeurs aux aides sociales. Mais au fait, qu’est-ce qu’une fraude sociale et quels sont les risques encourus ? Qui fraude véritablement – rarement à son insu ?… Gros plan sur la situation avec quelques professionnels du secteur, dont l’Assurance maladie de Bourgogne Franche-Comté…
« Ça finit toujours pas leur retomber dessus ! »
« Accompagner quelqu’un qui a besoin d’une aide sociale, c’est notre travail. Mais attention ! Lorsque nous instruisons un dossier, nous demandons tous les justificatifs requis à la personne. Cependant, il arrive que nous ayons des doutes sur les documents qui nous sont fournis », reconnaît Christian Champeau, directeur du centre communal d’action sociale (Ccas) de Talant, en Côte-d’Or [ndlr : Dans le cas du revenu de solidarité active (RSA), les dossiers sont instruits par la caisse d’allocation familiale (CAF), qui est seule compétente pour vérifier l’authenticité des informations].
« En tant que travailleurs sociaux, lorsque nous constatons qu’une personne nous ment, nous ne sommes pas tenus de la dénoncer. Par contre, nous lui expliquons que nous ne pouvons pas travailler avec elle dans ces conditions et nous lui conseillons de revoir sa position », affirme-t-il. D’après le directeur du Ccas de Talant, trop de personnes ne se rendent pas compte des risques qu’elles courent en réalisant de fausses déclarations, d’autant plus qu’à la fin, « ça finit toujours par leur retomber dessus ! ».
Contrôle du nombre de brosses à dents ?…
Transgression volontaire de la loi, une « fraude » aux allocations familiales commence bien souvent par une situation de vie maritale non déclarée. En effet, une demande d’allocation sociale nécessite de fournir des justificatifs de ressources. Une personne va par exemple déclarer qu’elle vit seule alors qu’elle habite avec son conjoint et bénéficie des revenus de celui-ci. « En cas de doute, la CAF peut diligenter une enquête. Après, au-delà du nombre de chaussures sur le paillasson ou de brosses à dents au dessus du lavabo, déterminer à partir de quand nous sommes en présence d’un cas de fraude n’est pas évident car à partir de quand parle-t-on de vie maritale ? » reconnaît Christian Champeau. « De surcroît, nous entrons dans l’intimité de la personne, ce qui complexifie la donne. »
De fait, les années à venir sonneraient-elles donc la fin de l’insouciance pour les fraudeurs ? Car les moyens de contrôle se resserrent. Pour l’année 2010, le conseil général de Côte-d’Or a par exemple organisé 3.960 contrôles dans le cadre du revenu de solidarité active (RSA), dont 27% ont généré des indus à hauteur de 788.000 euros. 39% des contrôles ont abouti à des rappels sur des prestations auxquelles pouvaient prétendre les bénéficiaires du RSA, pour un montant total de 1.113.000 euros. Même son de cloche du côté de la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) de Bourgogne Franche-Comté « Pour l’année 2009, nous avons détecté un préjudice de 2,1 millions d’euros, soit 4% de plus qu’en 2008 », explique Emmanuel Pino, responsable du pôle Fraudes et recouvrement. Mais surtout, dans la lutte contre la fraude, les institutions ont de plus en plus tendance à croiser leurs fichiers respectifs…
Attention ! Croisement des fichiers…
« Depuis septembre 2007, nous avons établi un partenariat avec tous les organismes de protection sociale mais aussi la région Bourgogne, Pôle Emploi, la CAF, la caisse d’assurance retraite et de la santé au travail (Carsat), etc. Ce partenariat est de plus en plus formalisé », se félicite Jocelyne Bathiard, sous-directrice Régulation à la CPAM. Le but ? Dissuader les fraudeurs qui risquent, selon les cas, une simple mise en garde, l’application d’une peine-plancher ou un dépôt de plainte au pénal susceptible de mener jusqu’à de la prison avec sursis.
Parmi les actions préventives menées par la CPAM : la lutte contre la fraude documentaire. Depuis juillet 2010, les fraudeurs qui utilisent des cartes d’identité falsifiées peuvent ainsi être confondus par des appareils détecteurs de faux documents d’identité. « Nos agents ont été sensibilisés au problème. Les fraudes à la carte d’identité peuvent par exemple concerner une femme qui a présenté une carte d’identité volée et falsifiée, ce qui lui a permis de se faire affilier au régime général de la sécurité sociale et de bénéficier de l’indemnisation de son congé maternité. Préjudice subi par la CPAM : 3.960 euros », explique Emmanuel Pino.
Autre fraude courante : la non déclaration de décès [ndlr : qui permet aux proches de toucher la pension], ou encore les triches aux arrêts maladie, qui figurent parmi les fraudes préférées des particuliers, contre lesquelles la CPAM intensifie ses contrôles. Au passage, Jocelyne Bathiard, apporte une précision de taille sur le vocabulaire employé : « La fraude est un élément intentionnel, c’est une transgression volontaire ». Elle se distingue de l’abus, qui est conforme au respect du texte mais choquant si l’on se réfère à l’esprit du texte. La faute, pour sa part, est un manquement à une obligation ; elle n’est pas intentionnelle et relève davantage d’une négligence. Quant à savoir qui fraude, Jocelyne Bathiard précise : « Ce n’est pas un assuré d’une catégorie particulière ! C’est plutôt monsieur ou madame Tout-le-monde ».