Groupon.fr : Les commerçants dijonnais grincent des dents…

Groupon.fr aurait-il trouvé la formule magique ? D’un côté, la clientèle du site profite de réductions toujours supérieures à 50% ; de l’autre, les commerçants « du coin de la rue » bénéficient du succès de la plateforme puisque ces réductions s’appliquent sur leurs produits, que les acheteurs d’internet viennent ensuite retirer « en chair et en os ». Aujourd’hui, Google serait même prêt à racheter Groupon pour six milliards d’euros… Mais chaque médaille a son revers : les petits commerçants, qui pensaient s’assurer un bon coup de pub en passant par Groupon, regrettent aujourd’hui un choix qui leur a fait perdre du temps et surtout, de l’argent… Une réalité dont témoignent deux commerçants dijonnais, Benoît, primeur pour l’Ail des Ours, et Nicolas*, esthéticien, déçus par cette nouvelle poule aux oeufs d’or du web…

Groupon, chronique d’un succès

A l’heure où les commerçants subissent de plein fouet l’essor de la vente en ligne, Groupon semble bien parti pour enterrer la hache de guerre… En 2008 à Chicago, les visiteurs du nouveau site d’achat groupé peuvent acheter leur premier « deal » en ligne : une pizza à moitié prix à retirer dans le restaurant partenaire. Comment une telle réduction est-elle possible ? Le concept est d’une simplicité désarmante : tous les jours, dans chaque ville où il est implanté, le site lance une vente événementielle où un nombre donné de clients doit être atteint pour débloquer la réduction – entre 50% et 90% du prix initial. Le client paie en ligne et obtient un coupon échangeable en magasin ; l’effet de masse s’occupe de faire baisser les prix… En somme : le b.a.-ba du principe de l’offre et de la demande.

Et, à première vue, chacun trouve son compte dans la transaction. Le client en bénéficiant d’une réduction faramineuse, Groupon en prélevant 50% du fruit de la vente… Et les commerçants dans tout ça ? « Le concept nous permet de générer un flux de clients dans nos boutiques, que nous n’aurions pas forcément captés par le biais de la publicité traditionnelle. En clair : nous remplaçons un budget publicitaire par une période de vente à perte », témoigne Benoît, primeur bio pour l’Ail des Ours à Dijon. La formule repose donc sur l’espoir qu’ont les commerçants de fidéliser ces clients d’un jour…

Au vu des chiffres engrangés par Groupon depuis sa naissance, difficile de nier le succès financier de l’entreprise… En 2010, après avoir dégagé un chiffre d’affaires de 950 millions de dollars – 660 millions d’euros -, le site a même refusé son rachat par Google pour six milliards d’euros (Lire ici l’article de Slate.fr) ! Aujourd’hui à Dijon, la plateforme propose quotidiennement des offres allant du panier bio « moitié prix » à la séance de massage/crème/manucure pour vingt euros, en passant par l’inscription à une salle de sport avec 87% de remise…

A l’heure des déceptions…

Aujourd’hui, la success story de Groupon subit une pluie de critiques, enclenchées sur internet par la gérante d’une boutique de décoration indiquant avoir fait faillite à cause du site d’achats groupés. Dans une tribune publiée sur Facebook, intitulée « Groupon, l’envers du décor » (Lire ici), celle-ci détaille la manière dont le manque d’informations, en amont, et le succès de l’offre, en aval, ont été préjudiciables à son activité… En effet, alors qu’elle pensait vendre 150 de ses « coachings déco » au rabais, elle a découvert – après coup – que le site n’imposait pas de quotas maximum de vente : selon son témoignage, 673 clients auraient finalement acheté le deal sur le site, générant un surplus de travail d’une année et surtout, des pertes difficilement surmontables par son entreprise naissante…

Une situation que Nicolas*, esthéticien à Dijon, ne connaît que trop bien. « Quand nous avons été démarchés par la commerciale de Groupon, celle-ci nous a fait comprendre que le site venait de s’implanter à Dijon et qu’il ne fallait pas nous attendre à plus de 150 deals. Nous lui avons fait confiance. Simplement, quand la vente s’est terminée à la fin de la journée, nous comptions 450 clients ! », témoigne-t-il. Alors qu’il comptait « chouchouter 150 clients » avec cette formule de soins – comprenant deux heures de massage, des crèmes corporelles etc., normalement facturée soixante euros et réduite pour l’occasion à vingt euros -, Nicolas a dû échelonner les rendez-vous sur plusieurs mois. « Du coup, les clients sont mécontents et le coup de pub qui aurait pu nous être bénéfique se retourne finalement contre nous », souligne-t-il.

En premier lieu, les commerçants ont donc pu souffrir du manque d’informations concernant l’absence de « quota maximum » de vente. A ce sujet, Groupon semble avoir aujourd’hui réorienté sa stratégie en instaurant cette possibilité. « Restent des clauses que nous ne voyons pas forcément à la signature du contrat, que nous ne lisons pas en reposant sur la confiance faite au commercial qui vient nous voir. J’ai par exemple appris, en regardant la télévision, que Groupon pouvait remettre en ligne le deal comme il l’entendait pendant deux ans ! », continue cet esthéticien dijonnais.

Un gouffre financier

Au-delà de certains silences qui entourent la signature d’un contrat, les commerçants réalisent par ailleurs que la commission de Groupon – 50% sur chaque vente – pèse lourd sur leur budget. « Je vends normalement mes paniers bio 38 euros ou 28 euros sur abonnement. Sur cette transaction, je touche au final 24 euros. Là, un deal de 19 euros me fait gagner neuf euros… Pourquoi j’ai accepté ? Car j’espérais capter ainsi de futurs abonnés », explique Benoît. Et de préciser : « Au bout du compte, si je n’enregistre pas d’abonnement de la part des clients qui viennent chercher leur panier, le coût de l’opération s’élèvera à 2.000 euros. Pour un primeur qui marge à « x 1,4% », c’est dur à supporter ».

« On vend à perte », rappelle Nicolas. « Mais, chez nous, les crèmes et le savoir-faire des masseurs conservent quand même un coût ! La formule est donc la suivante : plus nous vendons de deals, plus nous vendons à perte. Pour une boutique ouverte depuis seulement quelques mois, le poids économique de la démarche n’est pas surmontable si les retombées en terme de clientèle ne suivent pas ». « Je pense que Groupon va plus fossoyer le petit commerce qu’autre chose », continue Benoît.

Et le coup de pub escompté ? A ce sujet également, le constat n’est pas aussi rose que les petits commerçants l’auraient voulu. Dans sa boutique de fruits et légumes, Benoît remarque que « les clients s’attendent à ce que je fasse la transaction de Groupon, un point c’est tout. Ils veulent seulement la bonne affaire et parfois, exigent même que je propose 50% de réduction sur tout le magasin ! ». Après son premier deal, aucun des clients ne s’est abonné aux paniers bio et « personne n’a même acheté un autre produit de la boutique ». S’il nuance son propos en notant que la formule Groupon « peut fonctionner si le commerce est de taille importante », Benoît ne renouvellera pas l’expérience. Pour son salon d’esthétique, Nicolas non plus. Alléchante pour la clientèle, l’offre de Groupon ne pourra-t-elle donc subsister sur le long terme qu’en évoluant vers plus de qualité – et moins de quantités ? A suivre.

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