Le rock et l’art contemporain peuvent-ils faire bon ménage ? Pour les initiateurs du festival One + One à Dijon, la réponse est oui. Elle ne serait pas contredite par Andy Warhol ou le Velvet Underground… Du samedi 16 avril au samedi 28 mai 2011, les galeries d’art dijonnaises inviteront des plasticiens fans de rock’n’roll en passant des vinyles, tandis que les salles de musiques actuelles viendront flirter avec la musique expérimentale ! Un maelström esthétique qu’Arnaud Maguet, plasticien, musicien et patron d’un label indépendant, apprécie tout particulièrement… A l’occasion de l’exposition musicale qu’il présentera à la galerie Interface en collaboration avec l’artiste Olivier Millagou, dès samedi 16 avril, il évoque pour dijOnscOpe son travail autour des bars de blues clandestins du début du XXème siècle et son goût pour le « désenchantement sous le soleil », entre soleil hawaïen et cabanes de plage calcinées…
Le rock et l’art contemporain, un amour de quarante ans
Des Rolling Stones aux Pink Floyd, nombreux sont les groupes de rock mythiques à s’être formés pendant leurs études aux Beaux-Arts… Dans les années 2000, des formations comme Bloc Party ont d’ailleurs suivi le même parcours. Le rapport entre le monde de l’art – présumé élitiste – et le rock – présumé populaire – n’est donc pas une vue de l’esprit. Depuis les années 1970, l’univers confiné des galeries d’art s’ouvre ainsi au rock’n’roll pour inventer du neuf : encadré par Andy Warhol, le Velvet Underground inaugurera des performances visuelles inédites avec le spectacle Exploding. Plastic. Inevitable., monté par Warhol, qui mêlait musique, projection de films sur les corps des musiciens et danses sado-masochistes…
Du samedi 16 avril au 28 mai 2011 à Dijon, les performances de Gerard Malanga ne viendront pas donner de coups de fouets rageurs dans l’air comme au temps de la Factory mais, à l’initiative de l’artiste Bertrand Kelle et de la galerie Interface, la capitale des Ducs de Bourgogne devrait connaître quelques belles secousses… « Le rock compte un lot particulièrement garni de musiciens tués ou morts prématurément. Certains mythes circulent même, qui disent que le gouvernement américain aurait fait tuer plusieurs précurseurs du genre, à l’époque considérés comme une menace potentielle ! », note Nadège Marreau, membre de la galerie Interface à Dijon.
Ces contes et légendes liées au rock’n’roll le nourrissent continuellement et peuvent même devenir source d’inspiration… C’est le cas de la performance proposée par Bertrand Kelle et Appareil pendant le festival, qui revisiteront la chanson Come Together, écrite par John Lennon pour les Beatles, dans laquelle il lance un – prémonitoire ? – « shoot me !« . Littéralement : tire-moi dessus. Il mourra assassiné le 08 décembre 1980 à New York. « D’une manière plus générale, le festival accueillera des artistes qui travaillent sur la légende du rock, sa mythologie et la question de la performance scénique », précise Nadège Marreau.
Arnaud Maguet, du blues aux expériences plastiques
Arnaud Maguet, plasticien et musicien niçois, sera de la partie à la galerie Interface pendant toute la durée du festival. Enseignant au musée des Beaux-Arts de Nice, il est également patron du label Les disques en rotin réunis, fondé en l’an 2000… « Nous ne vendons que des vinyles », précise-t-il. Déjà, le goût du plasticien pour le bel objet se fait sentir… « Je n’achète que ça. De toute façon le CD est mort : pour écouter de la musique les gens ont soit le numérique – et nos artistes proposent la leur gratuitement sur notre site -, soit les vinyles pour les collectionneurs. Voilà tout », souligne Arnaud Maguet.
Egalement musicien pour des groupes comme Bader Motor – « du riviera-kraut-rock [sic] » – ou Hi-Fi Club, il est un habitué des bandes originales d’exposition. Pour D’une dérive à l’autre ou la tentation du twin fin, l’exposition de la galerie Interface, il a par exemple enregistré à grands renforts de guitares un thème de musique hawaïenne, « sans savoir vraiment en jouer », note-t-il. La base du rock en quelque sorte, façonnée par des décennies de philosophie do it yourself.
Des rapports entre rock et art contemporain, Arnaud Maguet en sait un rayon, lui qui travaille plus particulièrement autour d’installations monumentales puisées aux origines du blues… « Les juke joint, bars implantés aux abords des champs du Sud des Etats-Unis, étaient construits clandestinement par la population noire. Les membres de la communauté s’y retrouvaient pour passer du bon temps en buvant et en écoutant du blues ; mais ces rendez-vous étaient marqués du sceau de l’éphémère : dès qu’ils étaient dénichés, ces lieux étaient détruits », explique Arnaud Maguet. La légende voudrait même qu’Elvis Presley ait découvert le blues en faisant le mur pour écouter des bribes de musique aux abords des juke joint… « J’ai repris l’esprit de cet endroit séminal, mystérieux et éphémère pour en faire des installations temporaires grandeur nature », explique Arnaud Maguet.
Une exposition entre bars clandestins (brûlés) et noix de coco…
Et le concept a mûri. Aujourd’hui, le plasticien pousse la démarche encore plus loin en créant ici des cabanes de plage calcinées pour les championnats du monde de longboard à Biarritz ; ou là une scène gigantesque détruite par les flammes pour le décor d’un festival de musique… « En passant devant, le public se demandait vraiment s’il y avait eu un accident, si quelqu’un était mort, si le concert avait eu lieu etc. », s’amuse Arnaud Maguet.
Que verra-t-on de lui à la galerie Interface du samedi 16 avril au samedi 28 mai ? Les restes de ces expériences passées. « Je garde systématiquement les reliques des moments éphémères que je crée avec mes juke point. Pas n’importe quelles reliques : sur le bois, je grave toujours des titres de blues, souvent en rapport avec le diable et l’enfer », explique-t-il. Sur les restes de l’escalier d’accès d’une scène calcinée, par exemple : les mots Hell Hound on My Trail, en hommage au bluesman Robert Johnson…
Dès samedi 16 avril, la galerie accueillera donc cette exposition aux faux airs de fouilles archéologiques, le tout accompagné de musique hawaïenne sortie des noix de coco d’Olivier Millagou ! « Avec Olivier, nous aimons beaucoup travailler sur l’envers du décor, surtout celui des lieux de villégiature comme la Côte d’Azur ou Hawaï », relève Arnaud Maguet. Après un travail commun nommé Surf now, Apocalypse later, où ils avaient fait reproduire les planches de surf du film Apocalypse Now, les deux artistes se retrouvent donc ici autour de leur sujet de prédilection : « le désenchantement sous le soleil », conclut Arnaud Maguet…
- infOs pratiques
L’exposition D’une dérive à l’autre ou la tentation du twin fin aura lieu du samedi 16 avril au samedi 25 mai 2011 à la galerie Interface, 12 rue Chancelier de l’Hospital à Dijon.
Pour tout savoir sur le festival One + One, consulter le programme ici.
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