Organisée dans le cadre de la candidature du vignoble bourguignon au patrimoine mondial de l’Unesco, la Marche des Climats aura été une indéniable réussite. Près de 2.500 personnes ont répondu à l’appel de l’organisation vendredi 08 avril 2011, histoire de soutenir le projet. Déambulation nocturne, torches illuminant le terroir, comédiens en verve… Le pèlerinage s’est terminé par la signature de la charte territoriale au château du Clos de Vougeot, en Côte-d’Or. Aubert de Villaine, président de l’association des climats, ainsi que 53 signataires, élus et représentants du monde viticole, se sont impliqués dans cette étape qui engage officiellement la région dans la course au classement. Carnet de voyage d’une marche qui, sans être celle de la victoire, fut une véritable démonstration de l’envie qui anime les Bourguignons…
2.500 marcheurs
« Mon palais n’est que peu aiguisé mais mon esprit chauvin » : voici l’une des devises de la région, qui aimerait voir ses vignes enflammant de leur couleurs fauves les soirs d’automne inscrites au patrimoine mondiale de l’Unesco ; une véritable aubaine tant sur le plan touristique, qu’économique… C’est d’ailleurs de ce patchwork de couleurs que viendrait le nom du département. Les vignobles de la Côte-d’Or s’étendent en effet sur une superficie d’environ 9.500 hectares du Châtillonnais jusqu’à la côte de Beaune, en passant par la côte de Nuits. En 1790 et suite à la loi du 22 décembre 1789, les constituants doivent diviser la France en 83 départements. La polémique se crée autour de la dénomination de la future Côte-d’Or, certains députés étant plus en faveur d’un « Seine-et-Saône » tandis que d’autre prônent la « Haute-Seine ». Finalement, le département doit son salut à l’avocat et député de Dijon, Chares-André-Rémy Arnoult, qui met en avant la couleur de la vigne en automne…
Il n’en fallait pas moins pour motiver la foule – 2.500 selon les organisateurs – qui s’est massée dans le cœur du village de Chambole-Musigny. Le temps d’une soirée et au rythme des lanternes délimitant les parcelles de vignes, les marcheurs ont rejoint le parvis du château du Clos de Vougeot, une infime partie du trajet que faisait quotidiennement les moines bénédictins. Mais plus qu’une marche, pour certains, cet événement revêtait la posture d’un véritable devoir, un hommage à l’histoire. Au gré de la ballade, nous croisons un « troupeau de gens », comme le décrit une jeune fille : le gratin politique bourguignon au grand complet, et un homme, Aubert de Villaine.
Un engagement fort
Du haut de ces 71 ans, le président de l’association des climats du vignoble de Bourgogne porte à bout de bras depuis 2006 la candidature des climats au patrimoine mondiale de l’Unesco : « Cela fait trois ans que nous sommes mobilisés autour de cette candidature, nous confiait-il avant de rejoindre le départ de la marche. C’est une grande occasion de rendre hommage au travail scientifique mais aussi de faire prendre conscience aux gens qu’ils ont quelque chose de précieux entre les mains ». Ainsi, dans le grand cellier du Clos de Vougeot, une fois la nuit tombé, il a signé aux côté de 52 autres personnalités, la Charte territorialle des climats du vignoble de Bourgogne.
Au travers de cette signature, il espère « s’engager solennellement pour gérer et transmettre aux générations futures ce patrimoine unique et inestimable dans le respect de sa valeur universelle et exceptionnelle que le monde nous envie ». Un patrimoine qui puise sa source aux temps des Romains… Enfin, c’est du moins à eux que l’on doit les premiers ceps ! Car, quand la nuit tombe sur les parcelles bercées par le halo lumineux des flambeaux illuminés, une ambiance mystique, que seule l’œil humain peut percevoir, enveloppe la foule et le décor majestueux s’anime au gré de l’histoire…
Un rendez-vous avec l’histoire
Au milieu des plus grands médias nationaux, la marche ne s’ébranlera pourtant qu’une fois la nuit assez tombée. Une course contre la montre et contre les astres pour une image parfaite et la révélation, celle des acteurs du patrimoine arguant ci et là, une foule hétéroclite et attentive. Certains annonçaient Laure Manaudou ; nos chemins nous amèneront à croiser la chanteuse Nolwen Leroy, dont on ne connaitra pas les motivations de sa présence, ou encore le journaliste et critique littéraire Bernard Pivot. Plus loin, l’alchimie Guls production opère et éveille les esprits tandis que les hélicoptères apparaissant à flanc de colline rappellent à tous les bons cinéphiles quelques scènes mythiques d’Apocalypse now.
Là, un moine bénédictin rappelle ce qu’il a laissé à la postérité lorsqu’il s’est installé ici en 476 après Jésus-Christ : « On peut classer le réel par des lignes de partage naturelle », philosophe-t-il alors qu’il évoque la création même du terme de climat. « Les moines avaient tout compris, poursuit-il, ils ont gouté la terre », déterminant ainsi une multitude de micro-terroirs selon la nature du sol et du sous-sol, l’exposition de la côte,… Sur la façade du Clos de Vougeot, fondé en 1115 par les moines de Cîteaux, les noms des différents climats farandolent.
La candidature est encore loin d’être acquise et le dossier ne sera présenté qu’à l’automne à l’Etat Français qui devra alors le porter devant l’Unesco. Car il s’en est passé du temps depuis les premières vendanges, depuis le temps où les Ducs étaient ambassadeurs du vin de Bourgogne, depuis la première vente aux enchère à Beaune en 1851. Le fouleur aux bas rosés trône toujours sur la place tandis que comme un message dans la nuit viticole, 130 lampions s’élèvent, soit autant de climats aux noms parfois chantants tels les Gouttes d’or, le Clos des Amoureuses. Autant d’arguments surtout jalonnant la RN 74, la route des Grands Crus…