Juifs, Musulmans, Chrétiens : petit cours de théologie pour les nuls
- « Le judaïsme a puissamment influencé l’histoire de France »
Depuis la loi de 1905, les communautés juives sont organisées sous forme d’associations, avec un conseil d’administration démocratiquement élu par les co-religionnaires et un bureau. « La civilisation dans laquelle nous vivons aujourd’hui plonge une part essentielle de ses racines dans le judaïsme. Que l’on professe l’athéisme le plus radical ou que l’on adhère à l’un ou l’autre des grandes religions monothéistes, il irrige – souvent à notre insu – nos conceptions et nos représentations », remarque Jean-Claude Dahan, vice-président de la communauté juive de Dijon. Et d’ajouter : « Les valeurs les plus fondamentales dont se réclament nos sociétés laïques et démocratiques ne sont à bien des égards que des valeurs bibliques sécularisées. Le judaïsme n’a pas seulement préfiguré nos idées morales, il a puissamment influencé notre histoire en imprimant son empreinte sur l’humanisme des Lumières et, plus encore, sur la culture contemporaine. Les fondateurs du christianisme et de l’islam n’ont d’ailleurs jamais caché qu’ils se situaient dans le prolongement de son message ».
Face aux bouleversements tragiques qui ont scandé leur histoire, les Juifs ont été obligés d’adapter leurs traditions dans le respect des textes fondateurs : la Torah, d’une part ; et le Talmud, qui en est une interprétation. « La vie d’un Juif connaît plusieurs étapes. Huit jours après la naissance, les garçons sont circoncis par un rabbin assermenté. Pour les filles, une cérémonie religieuse est organisée, pendant laquelle on lui donne un prénom hébreu qui peut figurer sur son état-civil français. Ensuite, Pour les filles à 12 ans (la bat-mitsva) et les garçons à 13 ans (la bar-mitsva), la majorité religieuse est atteinte. C’est à dire qu’après avoir passé les examens voulus, ils endossent leurs responsabilités. Lors du décès, la cérémonie commence par une toilette du corps et la mise dans un linceul. Si, en France, les corps sont enterrés dans un cercueil, ils sont, en Israël, mis directement en terre », détaille Jean-Claude Dahan.
- « La religion musulmane reste aujourd’hui la moins connue »
La religion musulmane est née au VIIème siècle, en Arabie Saoudite, au sein de tribus nomades qui vivaient du commerce et traversaient régulièrement la Mecque – ville très prospère et active. « C’est là que Mohamed est né, orphelin de père, en 570. En 610, à l’âge de quarante ans, il reçoit le message de la part de l’ange Gabriel et, après avoir émigré à La Médine, il fondera une communauté de foi sociale et politique », explique Mohamed Khaldouni, imam de la mosquée de Dijon. Et de préciser : « L’islam jouait alors un rôle important d’unification des tribus arabes. Un siècle après, il s’est répandu partout dans le monde ».
« Dans la vision islamique, l’être humain est pêcheur de nature. Et, comme les être humains ont été créés faibles et susceptibles de commettre le pêché, ils ont besoin d’avoir recours au repentir. C’est pourquoi une vie islamique doit être vécue dans la crainte raisonnable du châtiment de Dieu qui, dans sa miséricorde infinie, aime également rétribuer les bonnes actions », explique Mohamed Kaldouni. Et de conclure : « A Dijon et dans sa région, l’islam est omniprésent dans les domaines politique, associatif, éducatif, militaire, médical… Ceci ne date pas d’aujourd’hui. Nous étions aussi présents pour défendre le drapeau « bleu-blanc-rouge » qui signifie pour nous : liberté, égalité, fraternité ».
- « Protester ne signifie pas être contre mais être pour »
Sous sa forme actuelle, l’église réformée n’existe que depuis 1938. Elle s’inscrit toutefois dans le mouvement de la Réforme protestante entamé au XVIème siècle. « Le mot protestant apparaît au moment de la Réforme et, contrairement aux idées reçues, protester ne signifie pas être contre mais être pour. C’est au nom de leur conviction, de leur foi, dans une position affirmative, que les protestants ont pu s’opposer à un certain nombre de croyances et de pratiques de l’église catholique romaine au XVIème siècle », commence Guilhen Antier, pasteur de l’église réformée de Dijon. Et de préciser : « L’intention originelle des réformateurs n’était pas de créer une nouvelle Eglise mais de réformer leur Eglise dans un mouvement de retour aux sources. Il s’agissait de revenir à la simplicité de l’Evangile. Mais le conflit théologique qui est né de cette démarche réformatrice a abouti à une séparation avec l’insitution romaine. Donc, même s’ils n’ont aucun lien avec l’église romaine, les protestants ne sont rien d’autre que des catholiques réformés ».
L’enjeu du retour à la simplicité de l’Evangile au XVIème siècle a tourné autour de la question des indulgences. « A l’époque, les gens étaient massivement terrorisés par la peur de l’enfer. Le Dieu qu’on leur présentait était un Dieu juge, qui vouait les pêcheurs à la damnation et n’acceptait au paradis que ceux qui méritaient de l’atteindre par leurs bonnes oeuvres. Entre le paradis et l’enfer existait une zone intermédiaire, le purgatoire, où les âmes des défunts faisaient pénitence avant d’accéder au ciel. Les indulgences étaient des sortes de sauve-conduits, édités par l’Eglise, qui permettait de réduire le nombre d’années passées par les âmes au purgatoire. L’on pouvait acquérir ces indulgences en effectuant des bonnes oeuvres ou en les achetant pour de l’argent », explique Guilhen Antier. Martin Luther, qui était moine, s’est élevé en 1517 contre cette pratique qui lui semblait incompatible avec l’Evangile. « Le message central de l’Evangile, reformulé par les réformateurs est le suivant : le Salut ne se mérite pas, il est un pur don gratuit de Dieu. La redécouverte de ce message libérateur a apaisé un grand nombre d’angoisses, d’abord chez Luther puis chez une grande partie de la population européenne », note-t-il.
La spécificité des églises réformées se trouve également dans son mode de fonctionnement. « Tous les croyants sont prêtres autant que les autres. Chacun a une place identique dans l’Eglise et le pasteur n’est pas un personnage à part, un homme d’église, mais il est celui – ou celle – à qui sa formation théologique lui permet d’animer la communauté. L’autorité est vécue sous un mode collégial : ce sont des conseils et non des personnes seules qui peuvent prendre les décisions », explique Guilhen Antier. Et de conclure : « Les racines historiques de grandes idées modernes telles que la liberté de conscience, le pluralisme des convictions, la sécularisation et la laïcité se trouvent, au moins en partie, dans l’émergence du protestantisme ».
- « Tabac, alcool, drogues, café et viandes sont proscrits par les adventistes »
Le mouvement adventiste est né au milieu du XIXème siècle, aux Etats-Unis, entre 1830 et 1845. « Ce corps de croyances est une base, qui permet ensuite d’établir des passerelles avec les diverses sensibilités chrétiennes actuelles », explique Richard Presle, représentant de l’église adventiste de Dijon. Et de préciser : « Le nom « adventiste du septième jour » exprime l’espérance finale – commune au christianisme, au judaïsme et à l’islam – d’un Dieu capable d’intervenir dans l’histoire du monde pour faire justice et accomplir la résurrection ».
Surtout, l’église adventiste espère « créer des passerelles avec les Juifs et les Musulmans », souligne Richard Presle. Et de continuer : « Le mouvement adventiste, en reprenant les principes de base du christianisme, voit ses échanges avec les Juifs et les Muslumans facilités en ce qui concerne l’hygiène et l’éducation. Par exemple, le corps étant le temple du Saint esprit, les capacités du cerveau sont à protéger de tous les produits excitants : tabac, alcool, café, drogues… Les membres de la communauté sont invités à s’abstenir de consommer ces substances. La viande de certains animaux ayant la fonction, dans notre écosystème, de fossoyeur de cadavre et de nettoyeur de déchets – comme le porc -, n’est pas consommée non plus ».
- Eglise évangélique : « L’apport charismatique »
« Si l’enracinement des idées évangéliques contemporaines remonte manifestement à la Réforme du XVIème siècle, les évangéliques n’hésitent pas à faire remonter leurs racines plus avant, aux pères de l’Eglise ainsi qu’à tous les pré-réformateurs tels que Jean Hus et John Wyclif« , commence Michel Marvane, pasteur de l’église évangélique de Dijon. Et de continuer : « D’autres mouvements ont façonné l’actuel évangélisme comme le réveil piétiste du XVIIème siècle ; la naissance du pentecôtisme au début du XXème siècle ; et enfin, l’apport charismatique dans les années 1970. Mais toutes les églises évangéliques sont bien filles de la Réforme ».
Selon Michel Marvane, sont membres de l’église locale « non pas ceux qui assistent aux assemblées et participent plus ou moins à la vie de la communauté locale mais les personnes qui ont fait profession personnelle de leur foi et ont été baptisés par immersion ».
- « Bien que le pape fasse autorité, l’église catholique est très collégiale ! »
« Un catholique, c’est un chrétien. Qu’est-ce qu’un chrétien ? Il me semble que le principe fondamental du christianisme, c’est la reconnaissance que, trois jours après sa crucifixion, le tombeau de Jésus était vide. L’interprétation que la foi donne de cet événement est que le tombeau est vide parce que le Christ est ressucité. Cette confession de foi va donner naissance à une communauté visible, les Chrétiens », résume Didier Gonneaud, prêtre de la paroisse Notre-Dame à Dijon.
Il est aisé d’associer la foi catholique à l’image du pape, surplombant la place Saint-Pierre de Rome face à la foule lors de grandes occasions. « Quand on pense catholique, on pense tout de suite à la papauté mais, de l’intérieur, l’église catholique est bien plus collégiale que ne le laisse paraître cette vision intérieure. L’église catholique est scandée, tout au long de son histoire, par les 21 conciles qui n’ont de cesse que de mettre l’Evangile à portée de main des cultures contemporaines », explique Didier Gonneaud. Et de préciser : « Le dernier concile de Vatican II, composé de 2.500 évêques, a permis d’éclairer la foi catholique sur quelques points fondamentaux : il a remis au centre de la vie chrétienne la méditation des Ecritures ; a affirmé que le gouvernement de l’Eglise n’appartient pas à un seul homme mais à un collège ; enfin, le concile Vatican II a rappelé que le judaïsme n’est pas une religion extérieure au christianisme mais qu’elle lui est intérieure ».
- « Comment être libre sous le communisme ? Par le Saint esprit ! »
« Le sens de l’histoire, un orthodoxe l’a dans le sang. Nous sommes nés à Jérusalem le jour de la résurrection et le jour de la Pentecôte : sans l’Esprit saint, il n’y aurait pas d’Eglise », résume le prêtre-moine Kirill, représentant des orthodoxes de Dijon. Et de continuer : « Après la dispersion des Juifs et des Chrétiens, le divorce a été prononcé. Après tout, un Chrétien n’est qu’un Juif qui a mal tourné ! La notion de messie, par exemple, n’est pas une invention chrétienne mais vient du judaïsme. Nous sommes dans la continuation ».
Quel rapport entretient cette église avec l’Etat ? « Il y a une séparation absolue, dans le christianisme, entre l’Eglise et l’Etat. Très souvent – à Alexandrie, Antioche, Constantinople -, toutes nos Eglises vivent sous l’Islam. Donc nous n’avons pas, dans notre théologie, l’idée d’une Eglise d’Etat. Evidemment vous allez me dire : « Et la Serbie ? Et la Russie ? ». Dans les faits, oui, il y a eu des mariages contre nature mais la théologie ne justifie pas ça », explique le prêtre-moine. Pour les orthodoxes, l’homme trouve la liberté dans le Saint esprit. « Cette liberté n’est pas politique : on peut être libre sous le communisme, sous le capitalisme, sous n’importe quel régime ! La liberté d’un chrétien ne dépend pas du régime politique mais existe souvent malgré le régime, dans le Saint esprit », conclut-il.
Ces religions peuvent-elles vraiment se rapprocher ?
- « Un seul lieu où tout le monde pourrait adorer Dieu : je n’y crois pas »
Les religions peuvent-elles se rapprocher ? Pour le prêtre-moine Kirill, la réponse est non. « Il y a un seul Dieu : oui. A ce moment-là, je demande à un Juif d’expliquer l’incarnation et à un Musulman d’expliquer la résurrection ! Et on voit tout suite que l’idée est un peu simpliste. Oui, il n’y a qu’un seul Dieu, mais on le voit tellement différemment qu’il est difficile de se retrouver tous dans un même endroit pour l’adorer », note-t-il. Et de préciser : « A l’origine, le Christ dit que la vérité, c’est lui. Au fil des siècles, lorsqu’on a conceptualisé la foi et que nous en sommes venus à des propositions disant « ceci est vrai, le contraire est faux », là, il y a eu impossibilité de discuter ensemble ». Pour le prêtre-moine, « un seul lieu où tout le monde pourrait adorer Dieu : je n’y crois pas. Mais rien n’empêche que chacun adore Dieu chez lui, à sa manière, puis que nous nous retrouvions ensemble pour discuter ! ».
- « Les rencontres interreligieuses, un symbole fort »
Sans évoquer un rapprochement pur et simple des religions, le père Didier Gonneaud tient, quant à lui, à rappeler « deux moments très forts du groupe interreligieux à Dijon ». « En 2005, nous avons essayé de construire une célébration commune pour la Libération de Dijon et, même si nous n’avons peut-être pas trouvé notre style et le moyen d’établir un partenariat avec la mairie, cette première expérience n’a pas été totalement vaine », raconte-t-il. Et de continuer : « Surtout, je voudrais évoquer une autre rencontre, le 13 novembre 2008, pendant laquelle les différents aumôniers des prisons se sont retrouvés pour exprimer ce qui se passait dans leur ministère, les différents partenariats avec l’administration pénitentiaire et la compréhension de leur rôle auprès des détenus. Ce n’est pas quelque chose de spectaculaire, soit, mais il me semble que ces moments de dialogue sont très importants ».
- « J’espère que cette rencontre signe le début du rapprochement »
« Il n’existe qu’un seul Dieu : cette vérité est également affirmée par le Coran », remarque Mostafa Kerkri, imam de la mosquée de Chenôve. Et de continuer : « Mais Dieu dit aussi dans le Coran que, s’il l’avait voulu, il aurait fait de l’humanité une seule communauté. Donc chacun, de là où il est, est appelé à cheminer vers Dieu et être Musulman n’est pas la fin mais bien le début du chemin. Par rapport aux actions communes, j’ai toujours considéré que les responsables des religions doivent plus que jamais se rapprocher et agir ensemble pour apporter une pierre à l’édifice de la paix dont l’humanité à besoin. J’espère que nous sommes dans le début d’un chemin qui va durer aussi longtemps que possible ».