Entre le cadre imposé par les politiques nationales et un projet académique 2010-2013 déjà défini par le recteur précédent, Cyril Nourrissat, nouveau numéro un de l’Académie de Dijon, n’aura pas beaucoup de marge pour manoeuvrer… Qu’importe ! Ce juriste originaire de Lyon, spécialiste de l’enseignement supérieur, entend bien faire porter sa voix sur des thèmes tels que l’égalité des chances, l’accès aux études universitaires ou encore la crise des vocations chez les enseignants… Tour d’horizon des projets prioritaires de Cyril Nourissat, à l’occasion de sa première conférence de presse, jeudi 19 mai 2011.
« Arrêtons de parler de la grisaille »
« Bonjour, je suis Cyril Nourissat, 41 ans, juriste de formation » : voilà en résumé la vie du nouveau recteur de l’Académie de Dijon… Docteur en droit international et européen des affaires, agrégé de droit privé en 2001, cet universitaire lyonnais obtient son premier poste à l’Université de Bourgogne, où il enseigne pendant trois ans avant de prendre en charge la vice-présidence de l’Université Jean Moulin Lyon III, jusqu’à 2011…
De son retour en Bourgogne depuis le 14 avril, Cyril Nourissat n’entend retenir que le positif. « Parlons des trains qui arrivent à l’heure plutôt que de ceux qui vont dérailler », commence-t-il. Et de continuer : « Malgré les problèmes, j’ai pu apprécier ici une réelle vitalité et des initiatives remarquables, qui doivent pouvoir essaimer dans l’ensemble de l’académie ». Des exemples ? « L’internat d’excellence de Montceau-les Mines ; la création du Pres, université fédérale Bourgogne-Franche Comté ; ou encore la possibilité de développer la « mallette des parents » dont l’objectif est d’associer ces derniers à la question de l’orientation de leurs enfants, spécialement au collège. Les premiers résultats d’une année d’expérience en la matière sont très encourageants, avec une implication des parents et des réalisations très concrètes comme les « cafés des parents » par exemple ».
Côté théorie, Cyril Nourissat tient également à partager sa vision du poste de recteur d’Académie. « J’ai été très marqué par la pensée d‘Alain Finkielkraut, qui dit que deux choses sont à éviter lorsqu’on exerce des responsabilités : d’une part la bureaucratie et d’autre part le dogmatisme. Je m’inscris pleinement dans cette idée. A l’inverse, mon approche est fondée sur le pragmatisme. Je crois qu’on ne peut répondre aux défis du collège, de la réforme des lycées, au lien entre le collège, le lycée et les universités, sans pragmatisme », explique-t-il. De cette vision découlent deux objectifs, selon le nouveau recteur : « L’équité académique – dans une académie frappée par la diversité des territoires et des populations ; et le principe de subsidiarité, pour que la décision soit prise au plus près du terrain, grâce au travail des Inspecteurs, qui ont une connaissance extrêmement fine des situations locales ». Voilà pour la théorie.
Suppressions de postes, fermetures de classes : déjà du passé ?
Les suppressions de classes dans l’Académie ? « Laissez-moi vous rappeler que mes objectifs sont dictés par un cadre national, qui s’exprime notamment au travers du projet académique 2010-2013. Et je vous le dit tout de suite : je n’ai pas vocation à renverser ce qui avait été prévu par mes prédécesseurs », commence Cyril Nourissat. Et de préciser : « Les difficultés que nous rencontrons ne sont pas propres à l’Académie de Dijon. Elles sont des problématiques nationales résultant d’un contexte de budget contraint et l’on demande aux trente recteurs d’académie de France de faire plus avec des moyens votés par nos élus. Je fonctionne avec une Loi de finances adoptée par les assemblées. La difficulté est là. Après, je n’ai pas le sentiment que cette académie soit plus malheureuse que les autres à travers la France : elle connaît les mêmes difficultés de suppression de postes, de fermetures de classes… ».
A ce sujet, selon Cyril Nourissat, les grandes lignes de la rentrée 2011 sont d’ores-et-déjà écrites. « Les commissions départementales se sont prononcées sur la question des suppressions de postes. Quelques marges d’ajustement subsistent – qui tiennent à des vérifications de chiffres -mais cela reste à la marge. Les grandes orientations ne changeront pas. J’ai bien conscience que cela soit très dur à vivre pour les personnes qui sont directement concernées mais je crois que l’équité générale a été respectée », souligne le recteur d’académie.
Cadre national, projet académique déjà finalisé… Le recteur ne semble pas avoir une marge de manoeuvre très importante pour agir. « Au contraire. Je vais vous donner un exemple : l’une des réalités de cette académie est qu’elle a un taux de réussite au baccalauréat général largement supérieur à la moyenne nationale. Pour autant, les élèves de Bourgogne, majoritairement bacheliers, ne poursuivent pas dans l’enseignement supérieur. Le projet académique élaboré par mon prédécesseur exprime ainsi la volonté que tous les bacheliers de Bourgogne deviennent des étudiants et, ce que je peux faire dans ce cas, c’est consulter le groupe de travail réunissant représentants du secondaire et du supérieur pour proposer des éléments de réponse. Nous avons tout de même des marges d’action », répond Cyril Nourissat.
Une certaine vision de l’égalité des chances
Outre la question du décrochage scolaire après le baccalauréat, le nouveau recteur entend oeuvrer pour garantir l’égalité des chances entre les territoires bourguignons. « Mon expérience précédente à Lyon m’a mené à travailler beaucoup sur ces questions. J’ai par exemple contribué à la création d’une Fondation sur l’égalité des chances, aux applications très concrètes », témoigne-t-il. Et en Bourgogne ? « L’égalité des chances est particulière dans cette académie : elle tient à une ruralité plus importante qu’on ne pourrait penser en restant focalisé sur l’axe Dijon-Beaune. Il ne s’agit donc pas de l’égalité des chances des banlieues, qui occupe le terrain médiatique, mais de celle d’une ruralité qui aujourd’hui rend difficile l’accès à l’enseignement. C’est pour cela que je soutiendrai avec force la construction de l’internat d’excellence du Creusot-Montceau, avec une classe préparatoire aux grandes écoles ouverte aux lycéens issus des filières technologiques et professionnelles », précise-t-il.
D’autres idées tirées de son expérience lyonnaise pourraient également être adaptées à la Bourgogne. « A Lyon, nous avions par exemple développé un Pôle universitaire de proximité, qui concernait des lycées dits difficiles. Dans une logique de tutorat entre des étudiants du supérieur et des élèves du secondaire, il s’agissait de démystifier l’enseignement supérieur », explique Cyril Nourissat. Et de préciser : « Je crois qu’on ne mesure pas encore assez combien l’enseignement supérieur fait peur. Dès lors, un parrain peut donner de bons conseils – comment bien prendre des notes, conseiller d’être assidu aux travaux dirigés… -, sur des choses très concrètes. Car quand vous êtes le premier de votre famille à accéder à l’enseignement supérieur, vous n’avez pas le soutien socioculturel que les autres ont pour aborder cette nouvelle étape. Au niveau national, environ 50% des élèves échouent en première année dans le supérieur et à Lyon, nous descendions à 25% avec des étudiants considérés comme difficiles ! ». Changer la vision des élèves peu enclins à se tourner vers le supérieur : telle sera l’une des missions de Cyril Nourissat dès la rentrée 2011.
« Le monde, c’est pas la Star academy »
L’apprentissage est en vogue en Bourgogne, contrairement aux difficultés rencontrées par les filières universitaires. Malgré des politiques nationales encourageant les cursus professionnels, pour Cyril Nourissat, cette situation est tout de même problématique. « L’apprentissage et le supérieur ne concernent pas les mêmes publics : avec l’apprentissage, vous n’accédez pas au même type de fonctions qu’avec des études supérieures. C’est d’ailleurs pour cette raison que les filières sont divisées : les grands opérateurs économiques ont besoin à la fois de techniciens et de cadres », constate-t-il. Et de préciser : « L’un n’exclut pas l’autre ! L’enjeu, au final, est l’employabilité. Je ne suis pas un utopiste qui veut que tout le monde arrive à Bac +5 ou soit agrégé de droit… ».
Autre facette de la question de l’emploi : celui des enseignants, qui commence à poser problème à travers l’Hexagone (Lire ici notre article sur le sujet)… « Je constate une diminution importante des candidatures aux concours de l’enseignement. On me dit que le métier serait plus difficile mais vous connaissez un métier qui ne le soit pas ? Oui, peut-être que devenir chanteur à la Star academy est facile, je n’en sais rien. Mais le monde, c’est pas la Star academy ! Tous les métiers sont difficiles. Je crois simplement qu’il appartient à l’Education nationale de faire savoir qu’elle offre des carrières extraordinaires et ça, c’est mon vrai sujet d’interrogation. Comment éviter que des disciplines soient sinistrées car je n’ai plus d’étudiants aux concours de mathématiques, en sciences physiques ou en langues ? », conclut Cyril Nourissat. Crise des vocations, décrochage après le Bac, grogne des parents et des enseignants : les défis sont de taille pour le nouveau recteur d’académie. Sa marge de manoeuvre, elle, est plus restreinte.
