Le récit de cette bonne adresse va d’abord très mal commencer…
Situé dans la rue éponyme à Dijon, Le Quentin fait autant d’adeptes que de contrariés. En réalité, des guerres partisanes se jouent vis-à-vis de cet établissement, qui ne paye pourtant pas de mine lorsque, badaud inconscient des lieux cultes de la ville, le hasard nous amène à croiser son chemin. Avec sa devanture en bois rouge, tandis qu’il est encastré dans un coin de rue, Le Quentin a la tête d’un bar de quartier. Sympathique mais modeste.
Comment imaginer alors qu’il anime de véritables querelles au sein de bandes d’amis pourtant inséparables ? Pour le comprendre, il faut d’abord revenir quelques années en arrière… Avant que Jérôme Trublet ne devienne l’heureux propriétaire de l’établissement, Le Quentin était – faut-il le rappeler ? – un repère de « wawach » (ndlr : néo-baba cool). Des litres de « blanc-pêche » – vin blanc aromatisé au sirop – s’y déversaient chaque après-midi et soirée sur les tables, à des prix concurrençant ceux des bars du port de Gabès (Tunisie).
Preuve en est cette description de Cityvox.fr – toujours en ligne mais datant certainement d’un autre âge : « La population est constituée le plus souvent de lycéens et d’étudiants, un brin libertaire, pantalons larges, cheveux dreadloqués ou en bataille. La cigarette est de circonstance et la descente est facile » (Lire l’article ici). Forcément, le jour où le bar n’a plus servi que des sirops accompagnés obligatoirement d’eau minérale en bouteille, beaucoup de gorges se sont serrées…
Combien d’amours déçus ?
Dernièrement, Fabien, 34 ans, a affirmé sereinement qu’il ne souhaitait plus revenir dans l’établissement : « Je ne remettrai plus jamais les pieds dans ce bar de merde ! ». Et de nous raconter comment la serveuse avait largement tiqué lorsqu’après avoir commandé un café, il était resté sans consommer pendant une heure. Des histoires comme celle-ci, chaque bande d’amis en recèle des dizaines tellement les serveurs – les anciens comme les nouveaux arrivants – peuvent se montrer désagréables. Se sont-ils passé le mot ?
Aussi, inutile de compter le nombre de fois ou vous repartirez fâché(e) avec Le Quentin ; les dix doigts de la main ne suffisent pas… Mais étrangement – cela peut prendre trois jours comme trois mois -, chacun retrouve un jour ou l’autre les chaises de sa terrasse. Certains y sont traînés par leurs amis, beaucoup y échouent de nouveau car malgré tout, quoique chacun en dise, Le Quentin reste l’un des meilleurs bars de Dijon.
L’enfant gâté de la place
Un peu comme une fille née très belle, l’établissement a peu de mérite et doit énormément à son emplacement : donnant sur les halles de Dijon, il est tour à tour pris dans l’électricité des matinées de marché et, les après-midi, dans la quiétude des zones piétonnes qui viennent enlacer la terrasse, sans doute la mieux exposée de toute la ville. Le soleil tape tellement sur cette terrasse qu’il y aurait de quoi prendre en pitié les autres bars de la place, vis-à-vis desquels l’astre se montre beaucoup moins démonstratif…
« Ce n’est pas la peine d’aller au Quentin à cette heure, on n’aura pas de place ! », est l’une des phrases fétiches des pessimistes. C’est pour dire si le lieu est prisé et ce, à toute heure de la journée. Le matin, il est connu que le bar voit débarquer une clientèle plus âgée, bien que de plus en plus composée de jeunes adultes, les yeux encore humides et peu amènes, qui viennent y boire un café crème. Le soir, le bar se transforme en aimant à « people » dijonnais, tous secteurs confondus : profs de fac, artistes en vue, journalistes télé, élus locaux – notamment d’Europe écologie-Les Verts Bourgogne, qui avaient même organisé leur soirée électorale au Quentin pour les élections régionales de mars 2010 (Voir ici notre vidéo)… Tous se retrouvent donc dans ce bar qui, s’il a perdu sa clientèle « un brin libertaire », en a gagné une plus adulte, plus aisée du même coup. Le « ménage » a été fait.
Avec sa décoration – papier peint sérigraphié et tabourets de bar Forest – et sa musique – Radio Nova en journée et mix de DJ certains soirs -, le bar pourrait se situer dans n’importe quelle capitale européenne. Et c’est sans doute ce qui plaît tant à la jeunesse de la capitale bourguignonne.
Le mot de la fin…
… de Mathieu, 26 ans : « Offrir quelques olives et cacahuètes à l’apéro ne devrait pas menacer l’établissement de faillite et pourtant… La planche de fromages ou de charcuterie à 7€, ça fait mal quand même. Mais bon, les nanas sont sexy ; ça change des wawach en sarouel ! ».
Le Quentin
6, rue de Quentin
21000 Dijon
03 80 30 15 05
Ouvert du lundi au dimanche, de 07h30 à 00h30 ; fermeture à 22h le dimanche.