Dijon : Le business des terrasses en plein boom

Combien coûte une terrasse pour un établissement dijonnais ? Combien rapporte-elle ? Comment se porte cette économie à Dijon ? Alors que cette manne financière explose pour l’été, dijOnscOpe a recueilli les regards de Nathalie Koenders, adjointe au maire de Dijon chargée du commerce et de l’artisanat, et d’Isabelle Grandin, secrétaire générale de l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie en Côte-d’Or (Umih 21)…

Terrasse = jackpot ?

Les premiers rayons de soleil printanier ont chaque année le même effet : les cafés, bars et restaurants dijonnais installent un bout de leur commerce en plein air et la réaction ne se fait pas attendre ; pendant quatre mois, les consommateurs boiront leur expresso ou leur jus de fruit en terrasse… L’image, ancrée dans les esprits, a un coût pour les commerçants, « l’un des moins chers de France » selon Nathalie Koenders, adjointe au maire de Dijon chargée du commerce et de l’artisanat. Pour un restaurant de l’hypercentre par exemple, le mètre carré de terrasse coûtera 51,28 euros par an au gérant, contre 34,4 euros du mètre carré dans les secteurs excentrés. En comparaison, les terrasses sur voies piétonnes du centre-ville lyonnais coûtent entre 55 et 123 euros par mètre carré aux restaurateurs… Quant à elles, les terrasses fermées induisent à Dijon un loyer annuel de 101,93 à 152,83 euros par mètre carré – c’est le cas par exemple des « terrasses-vérandas » de l’avenue Foch, à deux pas de la gare. Enfin, le quartier du marché fait exception : les cafés et restaurant du contour des Halles paient en effet 27,32 euros du mètre linéaire à l’année. « Une situation qui trouve sa source dans l’histoire : comme les commerçants du marché sont facturés au mètre linéaire, il en a toujours été de même pour les terrasses du contour des Halles », précise Nathalie Koenders. Et d’ajouter : « Nous allons augmenter les tarifs des terrasses avec l’afflux prochain de nombreuses demandes pour les places Darcy et République, une fois que les travaux du tramway seront terminés ».

Et que rapportent-elles aux cafés, bars et restaurants dijonnais ? La réponse a plusieurs facettes. D’une part, depuis la loi anti-tabac de 2008, les terrasses sont devenues incontournables pour garantir un chiffre d’affaires convenable aux commerces touchés par une baisse de fréquentation, suite à l’interdiction de fumer dans les lieux publics. « Depuis la loi sur l’interdiction de la cigarette dans les lieux publics, les cafetiers font en moyenne 30% de leur chiffre d’affaires grâce à leur terrasse », constate par exemple Marcel Benezet, président de la branche café-bar-brasserie du Syndicat national des hôteliers, restaurateurs, cafetiers et traiteurs (Synhorcat) (Lire ici l’article du syndicat sur le sujet). Nathalie Koenders évoque elle des « chiffres d’affaires qui peuvent quadrupler » suite à l’ouverture d’une terrasse à Dijon…

« Attention toutefois : certains se disent qu’en achetant un établissement doté d’une terrasse, ils toucheront le jackpot ! En réalité, ce n’est pas parce que vous achetez un restaurant avec droit de terrasse que vous aurez le droit d’en installer une. Le droit de terrasse n’est pas lié au commerce mais au propriétaire », tempère Isabelle Grandin, secrétaire générale de l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie en Côte-d’Or (Umih 21). Et de préciser : « Ce n’est pas parce que votre prédécesseur l’avait qu’il vous sera accordé. Si l’établissement a souvent des soucis avec la police, amenée à se déplacer suite à de nombreux appels des voisins par exemple, la mairie peut suspendre le droit de terrasse »…

Une économie en plein boom

Malgré ces épiphénomènes, l’essor des terrasses à Dijon ne connaît pas de temps mort. « De mille mètres carrés de surface en 2001, nous sommes passés à 4.000 mètres carrés aujourd’hui en 2011 », constate Nathalie Koenders. Et ce dynamisme ne devrait pas s’essouffler de sitôt. « La piétonnisation récente de la rue des Godrans, à Dijon, a entraîné l’ouverture de nombreuses terrasses et plusieurs établissements n’ayant rien à voir avec la restauration sont même approchés régulièrement par des agences immobilières, qui leur demandent si leur fonds de commerce n’est pas à vendre ! », témoigne-t-elle – ou quand les terrasses entraînent une nouvelle forme de spéculation… Un scénario que l’on pourrait également retrouver à Dijon en 2013 avec la piétonnisation de la rue de la Liberté (Lire ici notre article sur le sujet).

A noter également que les cafés, bars et restaurants dijonnais reçoivent même le soutien de la mairie, de l’Umih et de l’Office de tourisme par des actions saisonnières tel le festival Garçon la note (Voir le programme ici). « Pour 150 euros, les établissements bénéficiant d’une terrasse ont le droit à une opération « clefs en main » : après le choix du genre, les gérants n’ont plus qu’à accueillir un groupe de musique sélectionné par le régisseur de l’Office de tourisme, sans se soucier des questions techniques ! », explique Isabelle Grandin. Des animations qui entraînent souvent une légère hausse de la consommation – et donc du chiffre d’affaires – les soirs de concert…

Et pour ceux qui n’ont pas de terrasse ? « Ils ne sont pas forcément défavorisés l’été », note-t-elle. Et de préciser : « Certains restaurants peuvent par exemple se mettre en valeur grâce à leurs salles climatisées »… Pour Nathalie Koenders, pas question non plus de parler d’inégalité entre les détenteurs d’un droit de terrasse et ceux qui ne l’ont pas. « Quand vous achetez votre fonds de commerce, vous voyez dès l’origine si l’installation d’une terrasse sera possible ou non ! Et c’est pour cette raison, d’ailleurs, que le prix du bien est moins élevé », rappelle-t-elle.

Les terrasses, une question d’économie… mais pas que !

Chiffres d’affaires boostés, développement exponentiel des lieux de consommation extérieurs… L’essor des terrasses n’est pourtant pas qu’une question d’économie. « Formidable atout pour le dynamisme de la ville, il ne doit pas occulter la question de la cohabitation avec les riverains », rappelle Nathalie Koenders. Un engagement déjà présent dans l’arrêté municipal du 24 octobre 2006 fixant la réglementation du droit de terrasse, spécifiant notamment « qu’aucune installation ne sera tolérée à moins d’un mètre des entrées d’immeubles voisins pour ne pas entraver leur accès » ou encore que « la sonorisation des terrasses de plein air est interdite », sauf en cas « d’animations particulières ».

Un dispositif réglementaire récemment renforcé d’une charte de bonne conduite, Harmonuits, visant à garantir une bonne qualité de vie nocturne à Dijon… D’abord signée par les établissements de nuit en 2009, qui s’engageaient à lutter contre les nuisances nocturnes générées par la clientèle, elle a été renforcée en 2011 par la cooptation d’associations étudiantes volontaires, désireuses de « sensibiliser leurs membres aux comportements à risque, au respect du voisinage et à la lutte contre les discriminations » (Lire ici notre article sur le sujet). Une initiative finalement pas si détachée des conséquences économiques, au regard de la fermeture administrative du café l’Hôtel particulier, rue Musette, pendant un mois jusqu’au mercredi 06 juillet 2011 (Lire ici l’article du BienPublic.com sur le sujet), en raison d’un tapage nocturne peu apprécié par les riverains…

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