Certains groupes à dérives sectaires prédisent la fin du monde pour le 21 décembre 2012. Georges Fenech, président de la Miviludes (Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires) tire la sonnette d’alarme sur les risques que peut engendrer un tel discours.
GazetteINFO.fr : Deux thèmes sont largement abordés cette année dans votre dernier rapport… La fin du monde notamment…
Georges FENECH : Les thèmes abordés sont deux thèmes centraux et d’actualité. Il s’agit d’une part des messages à caractère apocalyptiques véhiculés par une série de grandes organisations internationales, mais aussi par différents gourous made in France. D’autre part, nous nous sommes intéressés aux charlatans de la santé, plus particulièrement dans la lutte contre le cancer. Nous nous sommes rendu compte qu’aujourd’hui de multiples offres alternatives sont présentées sur internet ou à travers des conférences. Des méthodes qui sont pour certaines dangereuses à nos yeux, et qui malheureusement rencontrent de plus en plus de succès. Le ministère de la Santé s’en préoccupe, et depuis mercredi une campagne de sensibilisation et d’affichage a été lancée dans les centres hospitaliers et les cabinets médicaux.
Sur quoi repose cette fameuse prophétie annonçant la fin du monde en 2012… Sur pas grand-chose finalement puisque qu’il s’agit de la cent quatre-vingt troisième ?
C’est l’historien Luc Mary qui donne ce chiffre. Il a comptabilisé cent quatre-vingt trois prophéties de ce genre depuis la chute de l’Empire romain. L’apocalypse a toujours été inscrite dans toutes les religions, et toutes les sectes se sont emparées de cette question-là, ce n’est pas nouveau. Ce qui est nouveau en revanche c’est une sorte de convergence mondiale autour d’une date, le 21 décembre 2012. Du temps des Romains il n’y avait pas d’internet. Aujourd’hui le message est amplifié par internet. Cela dépasse d’ailleurs le phénomène sectaire proprement dit puisque on assiste à une reprise en compte de cette aspiration à une nouvelle ère, le New Age. Cette mouvance s’est aussi engouffrée dans cette aspiration à une nouvelle ère en se raccrochant à une échéance prochaine.
« 2 millions et demi de pages Internet consacrées à 2012 »
À la Miviludes vous n’êtes pas vraiment inquiets pour la fin du monde mais plutôt des dérives liées à cette prophétie. La situation est si préoccupante que cela pour que la Miviludes s’en émeuve?
On a fait un constat. Aujourd’hui il y a deux millions et demi de pages internet consacrées à 2012. On constate que de grandes organisations ont des têtes de pont dans certains départements français. Le phénomène existe, il n’est pas inquiétant en soi aujourd’hui, mais nous savons d’expérience que ce type de mouvement peut avoir des conséquences préjudiciables, notamment sur le comportement individuel de certaines personnes.
En clair vous craignez une recrudescence de suicides collectifs, à l’image de ce qui s’était produit pour le Temple solaire ?
On ne peut pas l’exclure, compte tenu de ce qui a pu se passer par exemple au temple de Guyana, à Waco au Texas, en Suisse ou au Canada avec l’ordre du Temple solaire. Il ne faut pas imaginer par ailleurs que le risque existe uniquement avec les groupes qui ont pignon sur rue, il existe aussi des micro structures où le risque est réel. Elles sont d’ailleurs plus difficiles à déceler puisque plus invisibles.
Les groupes sectaires dits apocalyptiques sont-ils d’une manière générale plus dangereux, plus manipulateurs que les autres ?
Au départ, le message qu’ils délivrent n’est pas inquiétant, ils faut qu’ils recrutent avec des thèmes en apparence totalement inoffensifs, voire séducteurs : retour à la nature, développement de soi, construction d’éco-villages, médecine naturelle. Il y a un engouement pour tout cela, ce n’est pas condamnable en soi. Mais une fois que l’on a pénétré dans certains groupements, un autre discours peut s’installer. Certaines personnes vont suivre ce discours et à ce moment-là il y a un phénomène d’emprise mentale.
« Vigilance concernant l’Église de scientologie, les Témoins de Jéhovah ou les Raëliens »
On a l’impression que cette prophétie du 21 décembre 2012 ratisse encore plus large que les précédentes, en tout cas fait de nombreux émules… Vous avez une explication ?
Le fameux calendrier maya est vraisemblablement le déclencheur. Cette civilisation connaissait parfaitement l’astrologie et raisonnait en termes de cycles. Et pour certaines interprétations, le calendrier s’arrête le 21 décembre 2012. D’autres pensent que ce serait deux cents ans plus tard. Cette date a par ailleurs été relayée médiatiquement et au niveau planétaire par des films comme 2012 de Roland Emmerich.
Quels sont les mouvements que la Miviludes tient à l’œil aujourd’hui ?
Ils sont cités dans notre rapport. Ils peuvent être bien connus, comme l’Église de scientologie, les Témoins de Jéhovah ou les Raëliens. Il y a d’autres mouvements plus particulièrement portés sur ce message apocalyptique et sur lesquels on va exercer une plus grande vigilance. Je pense notamment au groupe Ramtha, un groupe originaire des États-Unis. Certaines familles liées à ce mouvement se sont installées sur notre territoire, notamment dans les Pyrénées orientales.
Dans votre rapport vous mettez régulièrement l’accent sur la prise de conscience qui se fera par des actions de prévention… Selon vous c’est la clé pour éviter un drame ?
Nous sommes mission de pouvoir public, nous n’émettons pas d’avis sur l’apocalypse en soi. Cette doctrine est tout à fait respectable, elle relève de la théologie, de la croyance. Nous dénonçons en revanche l’exploitation mercantile par certains groupes avec une mise sous emprise mentale. Nous disons qu’il faut renforcer la vigilance envers ces mouvements en nous rendant sur le terrain. Nous allons également demander la mise en place d’une veille internet par les équipes de la police et de la gendarmerie spécialisées dans la cybercriminalité.