Imagerie médicale irradiante en plein boom, sites sensibles ou méconnus : d’un point de vue nucléaire, la Bourgogne est moins menacée par la catastrophe japonaise de Fukushima que par la radioactivité de son propre territoire… Mardi 31 mai 2011, l’Autorité de sûreté nucléaire en Bourgogne Franche-Comté présentait justement le bilan de ses actions en 2010, ainsi que ses sujets d’inquiétude pour l’avenir.
Deux sites d’Areva particulièrement surveillés
Areva, leader mondial de l’énergie nucléaire, aura beau tenter l’exercice périlleux du greenwashing publicitaire (Lire ici l’article de Rue89.com sur le sujet), son action n’en sera pas moins surveillée par l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) en Bourgogne ! En effet, alors que sa dernière publicité en date présente le nucléaire comme une énergie propre, l’ASN s’intéresse au contraire à un site problématique de stockage de déchets en Saône-et-Loire, à deux pas de la ville de Gueugnon et propriété d’Areva. « Dans l’ancienne mine des Bauzots, reconvertie pour accueillir des déchets, nous ne savons pas ce que l’entreprise stocke ni si le contenu est radioactif », explique Alain Rivière, chef de la division dijonnaise de l’ASN. Et de préciser : « Ce sont des déchets qui proviennent d’autres installations exploitées par Areva, du Commissariat à l’énergie atomique de Valduc… Depuis combien de temps ? L’exploitation de la mine s’est achevée dans les années 1980 donc tous les déchets ont été stockés avant ». Aux Bauzots, Areva devra donc mener une campagne de caractérisation avant d’envisager, au besoin, des solutions en terme de consolidation du stockage.
« Il ne faut pas s’inquiéter pour autant ! Nous demandons ces contrôles car notre niveau d’exigence a augmenté, pas parce que nous avons identifié un risque grave », nuance Georges Regnaud, délégué territorial de l’ASN pour la Bourgogne et la Franche-Comté. « La plupart du temps ce sont des déchets inertes, pas du combustible usé ! On peut par exemple y trouver du gravat issu du démantèlement d’un bâtiment, des résidus matériels, des résidus miniers… En revanche, des choses ont été mises là, à l’époque, en étant considérées comme inertes et ne seraient peut-être plus vues comme telles aujourd’hui… Il faut lever le doute sur ce qui a été stocké », ajoute Alain Rivière. En France, des mines d’uranium ont été exploitées de 1948 à 2011, conduisant à la production de 76.000 tonnes de ce matériau. Des activités d’exploration, d’extraction et de traitement ont concerné environ 210 sites en France dont une trentaine se situe en région Bourgogne : dans ce cadre, la mine des Bauzots fera également l’objet d’investigations hydrogéologiques.
A quelques kilomètres de ce site méconnu, un autre est l’objet de toute l’attention de l’ASN : celui de l’usine Areva (ex-Cogema) de Gueugnon, qui a traité des minerais d’uranium jusque dans les années 1980. En 2007, des traces de radioactivité ont été détectées à des niveaux anormalement élevés en particulier sur le parking du stade de football, simplement séparé du site par une rivière… A la demande de l’ASN, d’importants travaux ont été réalisés entre 2009 et 2010 pour normaliser la situation. Dans un premier temps, les terrains en place ont été retirés et remplacés par des matériaux neutres, sur une épaisseur d’au moins vingt centimètres. Dans un deuxième temps, l’ensemble du parking a été recouvert d’un revêtement bitumineux courant 2010. « Sur l’ensemble des zones de travaux, une cartographie finale a montré qu’en quelques points, nous trouvions encore des traces de radioactivité importantes. Normalement, ces points ont été repris par Areva et aujourd’hui l’ensemble des travaux semble terminé », conclut Alain Rivière. La réouverture du parking du stade de football, quant à elle, n’a toujours pas été décidée.
Le boom des scanners en milieu médical : prudence !
Dans un tout autre registre, l’utilisation de la radioactivité en milieu médical est également surveillée par l’ASN : 33 opérations de contrôle ont par exemple été réalisées en 2010 pour la zone Bourgogne-Franche Comté, conduisant à la mise au jour de neuf événements significatifs de niveau un, « ce qui veut dire sans conséquences sur la santé du patient ou du personnel médical », précise Alain Rivière. Dans les hôpitaux, l’énergie nucléaire est notamment en plein essor avec les succès de la radiothérapie. « Cette technique traite un nombre croissant de patients, avec près de 200.000 personnes concernées chaque année en France – 7.600 en Bourgogne et en Franche-Comté. Avec un taux d’environ 80% de guérison des patients pris en charge, elle est une méthode de traitement des cancers pleinement justifiée », constate-t-il.
En terme d’imagerie médicale, la radioactivité pourrait également passer pour être la poule aux oeufs d’or… En effet, la performance diagnostique obtenue par l’utilisation des scanners, qui utilisent des rayonnements nucléaires pour fonctionner, entraîne même une hausse de son usage dans toute la France. Entre 2002 et 2007, la dose efficace moyenne par habitant en France a par ailleurs augmenté de 57%. « Cette augmentation est due à plusieurs facteurs : la hausse du nombre d’examens réalisés du fait de leur performance diagnostique ; l’augmentation du nombre de scanners, qui délivrent des doses plus élevées que les appareils conventionnels ; et l’augmentation du nombre d’examens nouveaux, plus irradiants, comme le scanner du corps entier », remarque Alain Rivière. Et de préciser : « Cette qualité d’image exceptionnelle s’obtient donc au prix de doses de plus en plus importantes pour les patients »…
Aujourd’hui en France, l’ASN accepte que toute activité professionnelle n’induise pas une dose radioactive annuelle supérieure à un millisievert. Pour un travailleur du nucléaire, le plafond est situé à vingt millisieverts. « Un scanner corps entier, c’est vingt millisieverts d’un coup. Donc quand vous avez une personne qui nécessite de faire un, deux ou trois scanners dans une année, il faut quand même que ce soit justifié ! », souligne-t-il. Et d’ajouter : « Il existe d’autres techniques moins irradiantes ou même pas du tout – l’IRM (ndlr : imagerie par résonance magnétique), par exemple, n’émet pas de rayonnement radioactif. Nous avons donc un travail de fond à mener pour sensibiliser les professionnels de santé sur l’utilisation et la prescription des scanners… ». Pour 2011, l’ASN considère donc que « la maîtrise de la progression des doses délivrées aux patients dans le domaine de l’imagerie médicale est une nécessité » et qu’il « convient de favoriser l’accès à l’IRM dans le cadre de la planification régionale des équipements lourds ». Seule ombre au tableau : l’IRM est nettement plus onéreuse, d’où la généralisation des solutions radioactives…
Catastrophe de Fukushima, désengagement de l’Allemagne : aucun effet sur le nucléaire en Bourgogne
Au niveau mondial, les remous de l’activité nucléaire n’ont, quant à eux, que peu d’effet sur la situation en Bourgogne selon l’ASN. La catastrophe nucléaire qui s’est abattue sur le Japon le 11 mars 2011 ? « Les mesures réalisées montrent que cet accident n’aura aucune conséquence en France. On est sur des pouillèmes, des valeurs extrêmements faibles ! Tellement faibles qu’au premier jour de nos mesures, nous n’avons rien trouvé et qu’il a fallu effectuer des prélèvements sur la durée pour obtenir des résultats après le passage du nuage radioactif. Mais les mesures sont très faibles et sans conséquences sur la santé », souligne le directeur de la division dijonnaise de l’ASN. En France, des inspections seront tout de même menées auprès des installations nucléaires de base (IBN) sur des thèmes tels que les inondations, les séismes, la perte des alimentations électriques, le refroidissement et la gestion des situations accidentelles. La Bourgogne n’abritant pas d’IBN, elle ne participera donc pas à cette campagne nationale en 2011.
Pas touchée directement par les conséquences de la catastrophe japonaise, l’ASN Bourgogne Franche-Comté verrait-elle sont activité modifiée en cas de désengagement du nucléaire, comme l’Allemagne va le faire d’ici 2022 (Lire ici l’article de NouvelObs.com sur le sujet) ? « Ce sont des décisions politiques. Nous sommes chargés du contrôle », répond Alain Rivière. Avant d’ajouter : « De toute manière, lorsque l’on sort du nucléaire, il reste encore des choses à vérifier postérieurement. Aujourd’hui en France, nous avons par exemple une centrale, Super Phénix, qui a été arrêtée il y a plus de dix ans : elle n’est toujours pas totalement démantelée. Il y a donc toujours des activités jusqu’au démantèlement complet des installations ». Les Ducs de Bourgogne peuvent dormir tranquilles : le danger nucléaire contournerait donc la région cette année…


















