Place de la République à Dijon : Des nuits désormais sous contrôle !

À compter du jeudi 31 mars 2011, quatre silhouettes argentées arpenteront désormais les trottoirs de la place de la République à Dijon et ce, toutes les nuits des jeudis, vendredis et samedis, de 22h à 5h du matin… Qui sont-ils ? Des médiateurs dont la mission est d’apaiser la place qui draine jusqu’à 3.000 personnes certains soirs. Dans un article publié sur dijOnscOpe le 19 avril 2010, un commerçant du quartier témoignait déjà de l’initiative, arguant « qu’un coup de couteau tous les quinze jours, ce n’est plus possible ». Mais ces médiateurs ne seront pas les seuls que les fêtards un peu trop excités trouveront sur leur route…

Fronde de commerçants

Pourra-t-on parler d’un avant et d’un après place de la République ? Sans doute. À l’occasion de la conférence de presse organisée mercredi 30 mars 2011 afin de présenter le nouveau dispositif, le premier adjoint au maire de Dijon, Alain Millot, a souligné « qu’avec l’arrivée du tramway, la place sera complètement transformée. Je crois pouvoir dire même que, allez, je suis un peu chauvin (ndlr : Alain Millot est également conseil général du canton de Dijon 7, dont fait partie la place de la République), d’ici un an et demi, elle sera sans doute la plus belle place de Dijon. Donc il va falloir qu’on la soigne et pour cela, il faut travailler autour de la tranquillité publique car je crois que les personnes qui habitent dans ce quartier ont droit aussi à un certain respect pendant que d’autres ont le droit de faire la fête » (Voir notre article du 19 avril 2010 sur le sujet ici). 

Pour changer le visage du quartier – et peut-être également sa réputation-, les commerçants du quartier et la mairie se rencontraient dès le mois de mars 2010, suite à plusieurs graves agressions dans le secteur. Ensuite, l’association Coeur de nuit s’est constituée en juin 2010, pour regrouper une quinzaine d’établissements localisés à proximité de la place – 100% Latino, Aux enfants terribles, Cocorico, La Bella lenna, La Jamaïque, La Noche, La Salsa Pelpa, Le Beverly, Le Bora, Le Chamois, Le Chat noir, Le China town, Le Pain chaud et Le Smart – et présidée par Christophe Le Mesnil, co-gérant de la discothèque Le Chat noir. 

Ce dernier explique que « des habitants du quartier de la République avaient fait parvenir des doléances à notre maire sur leur difficulté à habiter dans un quartier qui vit la nuit. D’emblée, les commerçants que nous sommes avions souhaité apporter une solution à cette question de tranquillité publique. Comment ne pas comprendre, qu’un habitant qui veuille dormir soit excédé par le bruit des différents noctambules qui fument une cigarette dehors ? Comment ne pas comprendre qu’une personne en sortant d’une ambiance musicale continue de parler fort ? Notre association est animée par une forte volonté de faire du quartier République un quartier où il fait bon vivre, où il fait bon s’amuser. Peut-être trouvez-vous cela imcompatible voire utopique mais pour nous, chefs d’entreprise, cela est capital. Que ferait un commerçant dans un quartier sans vie ? » 

70.000 euros par an : le prix de la tranquillité… 

Aussi, le recrutement de médiateurs – déjà évoqué en 2010 – est apparu comme une action possible à mettre en place. « Qui dit médiation dit prévention et gestion de conflit, précise Christophe Le Mesnil. Cependant, il ne s’agit pas pour ces médiateurs d’être des représentants de la force publique mais bien d’agir en amont auprès de la clientèle de nos établissements. Organisés en binôme, les médiateurs, ils auront également une mission d’information sur les animations de notre quartier, sur les bus, les taxis, numéros d’urgence, etc. En tant que chefs d’entreprise, nous ne sommes pas des spécialistes du recrutement de médiateurs : nous pouvons apporter notre contribution mais nous nous avons besoin du soutien des pouvoirs publics. Tant en ce qui concerne le recrutement que le financement de ces postes et de la formation de ces personnes. Cette opération a donc été menée en étroite collaboration avec les services de l’État et la Ville de Dijon. La tranquillité publique est bien l’affaire de tous ».

En contrats aidés, le financement des médiateurs est assuré par l’État, la Ville de Dijon et les commerçants adhérents à l’association. Si l’État prend en charge 70% de la charge des salaires, soit 25.000 euros, il faut également compter des dépassements de travail de nuit : en tout, l’opération coûtera aux alentours de 70.000 euros par an. La mairie accorde pour cela une subvention exceptionnelle de 30.000 euros et le reste – 15.000 euros environ – est assumé par les commerçants. 

La place de la République interdite d’ivresse publique 

En formation sur la prévention, la gestion des conflits et sur la discrimination depuis un mois, les médiateurs assurent se sentir prêts à affronter les noctambules : « Bien sûr, nous nous sentons prêts. Nous avons tous un cursus complémentaire : moi-même, je suis dans la médiation sociale avec des jeunes et j’ai aussi été dans la sécurité », explique Farid. Ses collègues sont également issus du domaine de la médiation : Mireille – formation dans le domaine de l’éducation et de la psychologie, expérience de médiation dans le domaine scolaire et familial ; Paulin – formation en droit, expérience dans le domaine de la sécurité ; Florian – formation dans le domaine de l’éducation et expérience en tant qu’éducateur, mise en place de projets  et encadrement d’activités. Ce dernier affirme se sentir confiant : « Lors de la formation, nous avons appris des choses comme la neutralité et l’écoute, l’analyse de la situation ou encore des techniques de situation ». 

Mais les médiateurs ne seront pas la seule surprise que réservera la place de la République aux fêtards… Alexander Grimaud a en effet annoncé un autre dispositif : « L’ordre public, c’est de la prévention mais c’est aussi de la répression. Avec le directeur départemental de la sécurité publique, nous sommes en train de réfléchir à une nouvelle façon de prendre en charge l’ivresse publique manifeste, qui est à l’origine, notamment sur la place de la République, de plus de 70% des infractions pénales – que ce soit des atteintes aux personnes, des atteintes aux biens, une petite chose comme un rétroviseur cassé ou une grosse rixe qui peut entraîner des blessures voire pire. Nous sommes donc en train de réfléchir à industrialiser – un terme qui veut bien dire la démarche dans laquelle nous nous inscrivons aujourd’hui – la capacité à enlever les personnes de la voie publique quand ils sont en situation d’ivresse publique manifeste. C’est-à-dire faire de la prévention des actes de délinquance avant qu’ils ne soient commis ». 

« Nous souhaitons fortement diminuer les faits constatés tous les ans liés à l’alcool. Dans les semaines et mois qui arrivent, nous mettrons donc en place un dispositif qui permettra de mettre en cellule de dégrisement à l’hôtel de police toutes les personnes en situation d’ivresse publique manifeste, cela en mettant en oeuvre des certificats de non-hospitalisation. Aujourd’hui, avant de passer à la cellule de dégrisement, les personnes passent à l’hôpital, ce qui sature les urgences. Demain, elles seront amenées directement en cellule de dégrisement, en présence d’un médecin, ce qui fait que nous pourrons en amener plusieurs en même temps ». Pour Christophe Le Mesnil, il s’agit « d’une excellente démarche : aucune prévention ne peut être efficace s’il n’y a pas de répression. En plus, je n’imagine pas que la police va ramasser deux jeunes qui certes sont en état d’ébriété mais qui se tiennent pas la main en rentrant tranquillement chez eux… »

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